Arrêt sur impression
Souvent ce sont les histoires des autres que Noémie Cosendai aime raconter d’un trait sans équivoque. Éclaireur, il accompagne l’idée d’un créateur, la matérialise, lui donne un cadre, des décors, une profondeur, un trait de story-board qui se doit d’aller à l’essentiel. Avec générosité.
Ne parlez donc pas à la trentenaire d’une éventuelle frustration d’être au second plan ! Elle carbure à l’essence participative, au bonheur d’être dans l’échange permanent entre celui qui émet l’idée et celui qui la représente, le ping-pong la nourrit et l’élève, en passionnée de tout ce qu’elle touche, la jeune femme s’y retrouve pleinement.
Hiérarchiser, opter pour une discipline et pas une autre, elle n’est pas franchement pour, s’offrant le luxe, au moment de ses études, de ne pas choisir entre la musique, le chant, l’histoire de l’art et de l’archéologie. Si l’équilibre est là, physique, intellectuel, artistique, l’assaut de prénodules doublé d’une fatigue vocale vient le briser, contrariant l’un des rêves professionnels de Noémie Cosendai.
« J’étais triste de ne plus chanter, mais ça m’a donné l’opportunité et la joie de pouvoir réactiver mon attrait pour le dessin et de me lancer dans de nouvelles aventures. Lorsque j’étais enfant, le dessin était mon moyen d’expression privilégié, d’ailleurs tous mes cahiers d’école en étaient noirs. Avec mon frère et ma sœur, nous avons grandi en Afrique, en pleine brousse, nous avions l’école à la maison et comme il n’y avait pas de télévision, ça nous a rendus beaucoup plus créatifs ! »
Dessinatrice par nature et par passion, Noémie Cosendai a passé par l’illustration avant de s’épanouir dans le story-boarding, mais elle a toujours eu le corps au bout de son crayon. Son élasticité, sa capacité d’expression, la tangibilité de son inscription dans l’espace comme sa faculté de représenter le vivre ensemble. La danse… ne pouvait donc que la rattraper. « J’étais sur le point de terminer ma formation à l’École de cinéma de Genève lorsque l’un de mes professeurs m’a parlé de Marc Hollogne qui cherchait quelqu’un pour mettre ses idées sur papier avant d’aller les présenter à la direction du Béjart Ballet. Le courant a très vite passé, j’ai été prise dans son élan et j’ai dessiné et dessiné encore. Dixit prenait forme même si je n’avais pas beaucoup d’éléments de base, il fallait faire passer ses idées. Il voulait par exemple un flamant rose, imaginant déjà le potentiel d’un effet miroir entre l’échassier les danseurs. »
La dessinatrice lui donne vie en quelques minutes et quelques traits sans imaginer qu’un jour son flamant rose servirait de modèle aux masques portés sur scène par les danseurs. Mâtinée de fierté et de surprise, la sensation est étrange, l’émotion qu’elle suscite intacte dans la voix de Noémie Cosendai. « On part toujours d’un certain flou artistique, on pose les choses, on met sur le papier plein d’idées, du coup certaines restent dans le placard, mais c’est sûr, c’est beaucoup d’émotion quand on voit un jour s’animer concrètement ce qu’on a visualisé et crayonné vite fait à plat sur des feuilles… »
Peut-être la Veveysanne pourrait-elle ajouter que ces miracles ne viennent jamais seuls ! Voyage immersif dans l’aventure passée et présente de Maurice Béjart et de sa compagnie, Dixit s’est incarné avec succès sur scène en 2017, le voilà de retour pour une deuxième salve lausannoise, le temps pour la dessinatrice de répondre à un nouveau défi : vivre son mouvement, le mouvement. Le trait toujours fluide et directif, Noémie Cosendai l’a fait avec cette même urgence de fixer les choses, sauf que cette fois, il ne s’agit pas de saisir une idée, mais l’évidence d’une émotion.
Florence Millioud Henrique (24heures)
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