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Éric Buche
Carte blanche

Deux fois par année, le Béjart Ballet Lausanne donne carte blanche à un artiste suisse pour la création d’un travail original inspiré par la compagnie.

Éric Buche | Capter le mouvement

 

« J’adore aller voir les spectacles de danse. En assistant aux répétitions des danseurs du Béjart Ballet Lausanne, j’étais fasciné de les voir en civil, presque en vêtements de tous les jours. » Éric Buche a passé deux journées avec la troupe pour suivre les classes, les entraînements, les répétitions et la nouvelle chorégraphie de Gil Roman en pleine création.

Le dessinateur genevois est un passionné du mouvement, de l’attitude, de la vitesse. « Dans la danse, je retrouve parfois des attitudes, des gestes qui me rappellent pêle-mêle des poses d’un film muet de Chaplin ou d’une statue orientale. Même si le spectacle est dramatique, chaque pose est unique, fugace. En répétition, j’ai essayé de saisir ces moments d’abord par des croquis : certains fonctionnaient, d’autres pas. C’est l’avantage des répétitions où le même geste est refait plusieurs fois, j’avais le temps de vérifier si mon dessin était juste. »

À feuilleter le carnet de croquis qu’il a réalisé au BBL, on sent l’obsession de la forme et de l’action. La forme, c’est le modelé des corps, des muscles, des tissus que l’artiste travaillera ensuite à l’ordinateur. L’action, c’est donner l’équilibre, la vitesse, le rythme. « En répétition, j’ai vu l’effort de ces athlètes, qui ajoutent la performance artistique au travail physique. »

Éric Buche, né en 1965 à Genève, a suivi les cours de l’École supérieure d’arts visuels (devenue la HEAD) pour assouvir sa passion du dessin. Très connu pour sa série de BD Franky Snow, treize albums et une série de dessins animés, il y développe son goût pour le skate ou le snowboard à travers les aventures de Franky et de sa bande de potes. Son dessin dynamique et joyeux cache l’immense travail effectué pour que les figures des acrobaties soient authentiques. Lui-même a une carrure de coureur à pied (il a fait plusieurs fois Sierre-Zinal et court l’Escalade chaque année), une passion pour le ski, le snowboard, le skate ou la randonnée. C’est dire si ces athlètes de la danse l’ont « bluffé avec en plus cette dimension artistique ».

Le dessinateur est toujours ouvert à de nouvelles voies dans son art, travaillant souvent comme illustrateur pour des projets artistiques, développant de courts dessins animés pour ses clients, ou réalisant des reportages BD pour le trimestriel culturel Off Magazine. « C’est pour ce dernier que j’ai réalisé ma première incursion dans les coulisses du BBL. Mais le reportage BD est très différent de mon travail en fiction. Je sais ce que je vais voir, j’en ramène énormément de choses, mais je ne sais pas encore comment je vais le raconter, comment je vais créer le fil de l’histoire. »

Dans ses passages à Beaulieu, il a adoré voir la création en live d’une nouvelle chorégraphie de Gil Roman. « C’était magique, il avait ses idées qu’il lui suffisait d’expliquer. Voir comment toute la troupe les comprenait et les mettait en forme presque immédiatement m’a fasciné. Comme des musiciens qui interpréteraient une partition. C’était fou aussi de voir la force du collectif, de voir comment quelques danseurs pouvaient proposer d’autres choses au chorégraphe, et finalement d’assister à ce dialogue créatif. Pour moi qui crée souvent dans la solitude de ma bulle, c’était rafraîchissant. »

Le dessin de Buche est toujours joyeux, sympathique, positif. Un dessin vif qu’il a hérité de ses goûts d’enfance. « Entre le Tintin d’Hergé et le Spirou de Franquin, j’ai tout de suite choisi Spirou, pour son dynamisme, son action, son sens du mouvement. Chez Hergé, c’est très réussi, mais tout est très figé. Ce n’est pas mon style. »

Il travaille souvent à l’encre et en couleurs directes, utilisant de l’Ecoline, des encres qui permettent de donner des couleurs très vives si on les dilue peu. Sinon, il utilise beaucoup l’informatique et sa tablette graphique, comme pour le travail qu’il a réalisé pour une pièce de théâtre à Zurich, Copyright Girl, où des personnages de BD projetés sur le décor vont dialoguer avec les acteurs réels. « J’ai de la chance de travailler en Suisse, il y a une tellement grande activité artistique. »

 

David Moginier, journaliste

 

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